L’observatoire
Lutter contre les facteurs de risque environnementaux et comportementaux
Synthèse
Les pouvoirs publics ont décidé de placer la prévention au cœur de la stratégie nationale de santé, et ont initié plusieurs mesures visant à réduire l’impact des facteurs environnementaux sur la santé. Ces mesures, historiquement articulées autour de la lutte contre le tabagisme, doivent aujourd’hui aller plus loin pour englober l’ensemble des environnements dans lesquels les patients évoluent, en particulier leur domicile. En outre, s’il est essentiel de déployer des mesures contre la pollution de l’air dans les zones urbaines, elles le seraient tout autant dans les zones rurales qui sont également confrontées à d’autres enjeux de pollution tels que les pesticides.
Notre évaluation des politiques publiques
EN BONNE VOIE
Nos 3 priorités pour 2023
01
Organiser une conférence nationale de santé environnementale et respiratoire afin de définir une feuille de route s’intéressant aux multiples enjeux des maladies respiratoires.
02
Renforcer sensiblement le nombre de Conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI) formés et faire la promotion de leur rôle afin de réaliser un bilan individualisé pour chaque patient atteint d’une maladie respiratoire, et déployer un cadre de financement pérenne permettant le remboursement de ces consultations.
03
Améliorer les indicateurs de la qualité de l’air en réévaluant les seuils de pollution et en y intégrant notamment les polluants toxiques pour les poumons (produitschlorés, pesticides…) et y faciliter l’accès.
Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), la pollution atmosphérique
cause au moins 238 000 décès prématurés en 2020(3).
Est responsable de 10% des cancers en Europe(4).
Chaque année, 3,2 millions de personnes meurent prématurément de maladies imputables à la pollution de l’air intérieur(2).
21 % sont dus à une infection des voies respiratoires inférieures
19 % sont imputables à une BPCO
6 % sont dus au cancer du poumon
Les infections respiratoires à pneumocoques qui causent chaque année près de 9 000 décès intra-hospitaliers de personnes de plus de 65 ans(5).
Plus d’un logement sur deux en France est contaminé par des polluants dans l’air, parfois perceptibles (odeurs, humidité, fumées de tabac et de cuisson), mais invisibles la plupart du temps et présents dans les produits d’entretien (Phtalates,…)(6).
Principale cause de cancer pulmonaire, le tabagisme peut également être à l’origine de la BPCO. Il est aussi constaté une augmentation du risque de mortalité par cancer du poumon pour les expositions au tabagisme passif, c’est-à-dire à l’exposition à la fumée du tabac dans l’environnement(7).
La santé respiratoire, souffre d’une insuffisante reconnaissance politique
- Après avoir défini en 2020 le parcours de soins des patients atteints de BPCO ainsi que les indicateurs permettant de mesurer la qualité des soins aux étapes-clés, la Haute autorité de santé a pour la première fois mesuré 7 de ces indicateurs à partir du Système national des données de santé, aux niveaux national et régional. En avril 2022, la HAS a ainsi publié les résultats à l’attention des professionnels de santé, des tutelles et des représentants de patients pour déployer sur le terrain des plans d’actions en adéquation avec le contexte local. Ces résultats ont montré que des améliorations étaient à mettre en œuvre à toutes les étapes du parcours de soins des personnes à risque ou atteintes de BPCO(8).
- En Région Hauts de France, en suivi de la publication de ces indicateurs et de programmes de calcul des indicateurs qualité, l’Assurance maladie, en partenariat avec l’agence régionale de santé et les acteurs locaux, a développé un outil de diagnostic territorial portant sur le parcours BPCO. Cet outil doit permettre d’accompagner les acteurs de soins, en particulier des structures d’exercice coordonné, pour améliorer la prise en charge des patients du territoire en identifiant des points de rupture dans le parcours de soin et en favorisant le déploiement d’optimisation.
Notre évaluation : La publication des premiers résultats issus de ces indicateurs dans le parcours de prise en charge des patients atteints de BPCO ou à risque constitue une première étape dans la reconnaissance des maladies respiratoires et de leurs facteurs. Pour autant, il conviendrait de déployer une stratégie plus globale afin de mieux appréhender les enjeux des maladies respiratoire, que ce soit en termes de communication, de prévention, ou de soins. Face aux chiffres alarmants de ces maladies, seul un grand plan pluriannuel et interministériel permettra d’appréhender l’ensemble des aspects, environnementaux, sanitaires et sociaux des maladies respiratoires.
Certaines mesures visent à améliorer la qualité de l’air intérieur et à lutter contre la présence de produits nocifs dans les produits domestiques
- Sur prescription du médecin, les Conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI) réalisent une visite au logement des personnes afin de réaliser un diagnostic des risques liés à leur environnement. Leur prise en charge est assurée par certaines ARS sur leur budget propre.
- La France a été précurseur sur la question des perturbateurs endocriniens, en étant le premier pays au monde à lancer, en 2014, une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens(9).
En 2019, la deuxième stratégie nationale(10) a notamment fixé l’objectif de réduire l’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens.
Notre évaluation : Bien qu’officiellement mises en place sur le territoire, les interventions des CMEI sont aujourd’hui limitées par le modèle de financement et par le faible nombre de professionnels disponibles. Il est essentiel de développer un modèle permettant un accès simplifié et équitable au CMEI sur l’ensemble du territoire. Ces acteurs auraient un rôle majeur à jouer concernant la communication sur la présence de composants nocifs dans les produits du quotidien dont les impacts sur la santé ont été clairement établis.
Plusieurs plans sont mis en œuvre afin de réduire l’impact de la pollution de l’air sur la santé respiratoire.
Nous pouvons notamment citer:
- Le Plan National Santé-Environnement 4 (PNSE 4) 2021 – 2025 « un environnement, une santé » qui a notamment permis le déploiement de Recosanté, service numérique permettant de mieux connaître la qualité de son environnement et les bons gestes à adopter.
- Le Plan National de surveillance de la qualité de l’air ambiant 2016 – 2021(13), prorogé pour une durée de 3 ans, qui a pour objectif de développer l’articulation entre observation et évaluation des effets de la qualité de l’air et mise en place de politiques publiques.
- Le Plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques pour la période 2022-2025 qui prévoit des mesures touchant l’industrie, les transports, les habitations ou encore l’agriculture.
Notre évaluation : Revoir les seuils de pesticides et de polluants à la lumière de ceux fixés par l’Organisation mondiale de la santé, pris en compte dans les mesures de qualité de l’air et inclure les nouveaux perturbateurs importants à mesurer pour la santé publique serait une première étape. Maitriser la pollution et son impact sur la santé devrait, pour être véritablement efficace, passer par des politiques publiques de grande ampleur et transversales, impliquant notamment le secteur industriel, afin de réduire la dégradation de notre environnement.
Une politique prioritaire des pouvoirs publics, notamment dans le cadre
- De la stratégie nationale de santé, 2018-2022.
- Du Plan Priorité Prévention, 2018-2022.
- Du Programme national de lutte contre le tabac, 2018-2022.
Notre évaluation : Priorité clairement établie par les pouvoirs publics, il convient d’aller encore plus loin dans la lutte contre le tabagisme, notamment pour prendre en compte les nouveaux produits de consommation tels que les SNUS (tabac à chiquer) et les autres produits à inhaler, destinés aux plus jeunes.
Le renforcement de l’accès à la vaccination accéléré par la crise sanitaire
- Dans la continuité des mesures déjà prises sur l’extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, la LFSS pour 2023(14) prévoit l’ouverture de nouvelles compétences de prescription vaccinale pour les pharmaciens, les sage-femmes et les infirmiers et l’élargissement de la liste des vaccins qu’ils sont autorisés à administrer.
- Par ailleurs, l’Etat met en place à chaque saison hivernale des campagnes de sensibilisation médiatique pour inviter les Français à se faire vacciner contre la grippe et la Covid-19.
Notre évaluation : Malgré les efforts fournis par les pouvoirs publics depuis plusieurs années pour rappeler l’importance et le rôle de la vaccination dans la prévention des infections respiratoires, ceux-ci ne se sont concentrés que sur la grippe et la covid-19, et ce lors de campagnes saisonnières.
Les autorités de santé ont défini une stratégie nationale de santé pour 2021- 2030, incluant une nouvelle typologie de problèmes de santé dont le potentiel de risque est en augmentation, qui s’intéresse en particulier aux risques liés au climat et à l’environnement ( dérèglement climatique, infections virales à risque, mortalité associée à des températures extrêmes…)
A adopté en octobre 2020 la stratégie de l’UE pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques(15) avec l’ambition « zéro pollution » à l’horizon 2050 et prévoit dans sa feuille de route d’avril 2022 l’interdiction de milliers de substances d’ici 2030, dont des groupes de perturbateurs endocriniens comme les phtalates, les bisphénols et le PVC(16).
Va progressivement mettre en œuvre une interdiction quasi-totale du tabac à partir de 2023 en empêchant quiconque né après 2008 d’acheter des cigarettes, et ce indéfiniment, ainsi qu’en réduisant la quantité de nicotine dans les produits disponibles à la vente(17).
01
Organiser une conférence nationale de santé environnementale et respiratoire afin de définir une feuille de route s’intéressant aux multiples facteurs des maladies respiratoires.
02
Renforcer sensiblement le nombre de CMEI formés et faire la promotion de leur rôle afin de réaliser un bilan individualisé pour chaque patient atteint d’une maladie respiratoire, et déployer un cadre de financement pérenne permettant le remboursement de ces consultations.
03
Améliorer les indicateurs de la qualité de l’air en réévaluant les seuils de pollution et en y intégrant notamment les polluants toxiques pour les poumons (produits chlorés, pesticides…) et y faciliter l’accès.
04
Renforcer les campagnes de communication et de lutte contre la pollution en intégrant aux réflexions publiques les professionnels de santé et les représentants de patients
05
Elargir le champ des campagnes de prévention vaccinale à l’ensemble des infections respiratoires, en particulier les infections à pneumocoques, la coqueluche et la tuberculose et adapter leur temporalité.
06
Inscrire la prévention vaccinale dans le cadre de trois rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie (LFSS 2023) afin de lutter proactivement contre les infections respiratoires.
07
Renforcer la Taxe générale sur les activités polluantes des entreprises et le fléchage des recettes vers des actions de prévention auprès de la population et des malades.
08
Impliquer le Ministère chargé de l’Education nationale afin de sensibiliser dès le plus jeune âge aux risques liés aux drogues, addictions et dépendances, par la mise en place d’ateliers de prévention.
09
Renforcer la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme qui pourrait se traduire par l’élargissement des espaces publics non-fumeurs (notamment aux abords des établissements scolaires et universitaires et des hôpitaux) au sein desquels serait renforcée la publicité et les incitations à l’arrêt du tabagisme.
10
Lister les produits domestiques aux composants toxiques et mettre en place une signalétique permettant de les identifier facilement, à l’instar du Nutriscore pour les produits alimentaires
11
Mener une réflexion de fond afin de lutter contre la défiance croissante de la population envers la science, en particulier vis-à-vis de la vaccination.
12
Mettre en place un dispositif d’alerte météorologique à disposition de l’ensemble des malades respiratoire particulièrement sensibles aux évènements climatiques, en s’inspirant du service d’information mis en place pour les patients à haut risque vital en cas de coupure sur le réseau électrique.
13
Lancer dès à présent une mission Flash « Prématurité et Phtalates », avec le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) et le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age (HCFEA), associée à une campagne grand public (visant en particulier les femmes enceintes) pour diminuer les expositions.
Les membres du Collectif
Le Collectif des Etats Généraux de la Santé Respiratoire, ce sont 27 organisations de patients, d’usagers et de professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les maladies respiratoires. Notre ambition est de rassembler l’ensemble des acteurs de la santé, publics et privés, pour faire de la santé respiratoire une priorité du quinquennat et pour travailler à la mise en œuvre d’un grand plan national santé respiratoire & environnementale.
Nos soutiens institutionnels
Sources
01
Organisation mondiale de la Santé. Des environnements plus sains pour des personnes en meilleure santé.
02
Organisation mondiale de la Santé. Pollution de l’air à l’intérieur des habitations et santé.
03
Le Monde.
04
Agence européenne pour l’environnement. L’exposition à la pollution provoque 10 % des cas de cancer en Europe.
05
Hoogendijk EO et al. Adverse effects of pneumonia on physical functioning in nursing home residents: Results from the INCUR study. Arch Gerontol Geriatr. 2016 Jul-Aug;65:116-21.
06
Observatoire de la qualité de l’air intérieur.
07
Centre de lutte contre le cancer Léon Berard. Tabac.
08
BPCO, des indicateurs de qualité pour évaluer le parcours de soins des patients, Haute autorité de santé
09
Gouvernement : La stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
10
Gouvernement : Deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
11
Barrett M. Welch et al. Associations Between Prenatal Urinary Biomarkers of Phthalate Exposure and Preterm Birth: A Pooled Study of 16 US Cohorts. JAMA Pediatr. 2022 Sep 1;176(9):895-905.
12
Gouvernement : Quatrième Plan National Santé-Environnement
13
Gouvernement : Plan National de Surveillance de la Qualité de l’Air Ambiant 2016-2021
14
LOI n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023. Article 33.
15
Commission européenne : Stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques
16
Commission européenne. La Commission fait avancer les travaux sur les restrictions applicables aux substances chimiques nocives.
17